Coran: évolution de l’orthographe et difficultés de lecture
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Choix des sourates et commentaires: Mahfoud Boudaakkar
Documentation et réalisation graphique: Rani Boudaakkar
Rappels historiques:
Recension de Abu-Bakr et vulgate de uthmân
Examinons brièvement quelques vérités historiques admises par les historiens et les savants musulmans :
1- La mise en écrit du Coran selon la tradition musulmane
Selon cette tradition, le prophète faisait apprendre par coeur la parole divine à des huffâdh(s) (croyants dotés de mémoire indéfectible) et faisait mettre par écrit la parole divine sur les supports disponibles à l’époque : pierres, feuilles de palmier, peaux séchées…la version actuelle du texte sacré ce serait faite en trois phases A- B -C :
A- Le Coran à l’époque du premier Calife Abû Bakr (632-634)
La mort de nombreux compagnons du prophète connaissant le saint Coran par coeur lors des « hurûb ar-ridda » (guerres contre les apostats) qui avaient éclaté dès le débuts du règne du Calife Abû Bakr a poussé ce dernier à une première « récension » du Coran en vue de le rassembler en un livre unique de « référence », afin d’éviter sa disparition. La tâche fut donc confiée à un jeune compagnon qui appartenait aux groupe des « huffpadh(s) » les plus fiables , Zayd ibn Thâbit.
B- Le Coran à l’époque du troisième Calife ‘Uthmân (643-655)
Au début de son califat, le territoire musulman s’étend déjà jusqu’au Maghreb et sur une partie de l’Asie. Ce nouvel empire, gigantesque, regroupe des peuples et des cultures différentes, avec bien entendu des langues différentes (persan, copte, berbère… voir notre article Langue et pouvoir). Pour éviter la dispersion du texte sacré, le calife chargea alors de nouveau Zayd ibn Thâbit de constituer une commission pour achever le travail commencé sous le règne d’Abû Bakr, de réaliser plusieurs copies dont il expédia des exemplaires dans les principales villes de l’empire : la Mekke, Bassora, Coufa et Damas.
La version établie par la commission présidée par Zayd ne présentait –toujours selon l’aveu des savants musulmans sunnites traditionnistes- aucun signe diacritique ni symbole-rappel de voyelle brève ou longue. Donc sans doute le texte se présentait sans points, sans voyelles brèves et avec une instabilité totale de la hamza et de la voyelle longue alif comme nous le verront plus loin…
C- Introduction des points et signes diacritiques
Toujours d’après la tradition, le besoin d’améliorer l’orthographe pour faciliter l’accès au Coran aux nombreux nouveaux peuples non arabes entrés en Islam se fait surtout sentir au 7ème siècle où les points furent introduits avec des signes diacritiques (voyelles brèves, redoublement de consonnes, rajout de Alif (s) diacritique etc…).
Ce travail d’amélioration de l’écriture arabe se serait prolongé même jusqu’au 9ème siècle.
Dans cet article, nous proposons quelques sourates (toujours les plus courtes, par soucis pédagogique) avec :
- La transcription moderne qui est donc en cours dans les manuels scolaires par exemples
- la transcription ancienne, celle officielle (et devenue « sacrée »).
- Cela permet de monter à quel point l’orthographe a évolué et de mesurer les difficultés de lecture que pourrait avoir n’importe quel lecteur, non familiarisé avec la vulgate dite de Uthmân, en circulation dans le monde entier.
Ecriture de la hamza : orthographe coranique et moderne
- Les différences orthographiques relevées ici le sont déjà dans les plus grands ouvrages d’exégèse avec l’accord des plus hautes autorités musulmanes dont la prestigieuse université d’Al-Azhar, en Egypte.
Cet inventaire –non exhaustif bien sûr- ne porte que sur les cas de différences orthographiques les plus récurrents.
Avertissement : Sur certaines des images, nous avons du, pour des raisons pédagogiques, oblitérer des parties de texte pour ne garder que celles en rapport avec le point étudié.
L’écriture de la hamza est l’une des difficultés majeures en écriture arabe. Aussi bien en tant que graphème (lettre), qu’en tant que phonème (son).
En effet, en tant que « lettre », elle ressemble plus à un signe diacritique et ne figure même pas dans de nombreux alphabets classiques! Par ailleurs, elle se retrouve rarement toute seule « dans le corps du mot: elle a besoin d’un suppport , qui peut être Alif, Waw ou « nabra » (Alif ou maqsûra, ou ya sans points).
L’écriture de la hamza est abordée en détails dans nos cours en ligne gratuits; suivez ce lien:
Cours d’Arabes en ligne. Gratuits. Initiation à l’écriture arabe. Leçon 05
Voici quelques exemples de versets où apparaît la hamza. Nous donnons colonnes de droite le N° de la sourate et celui du verset.
Orthographe coranique |
Orthographe moderne |
Verset |
Sourate |
أَرَأَيْتَ إنْ كَذّبَ وتَوَلّى | 13 | 96 | |
وَلَلآخِرَةُ خَيْرٌ لَكَ مِنَ الأُولى | 4 | 93 | |
أَلَمْ يَجِدْكَ يَتِيمًا فَآوَى | أَلَمْ يَجِدْكَ يَتيماً فَأَوى | 6 | 93 |
وَأَمّا السائلَ فَلا تَنْهَر | 10 | 93 | |
أُولائكَ أَصْحابُ المَيْمَنَةِ | 18 | 90 | |
وَ الذينَ كَفَروا بِآياتِنا هُمْ أَصْحابُ المشْأَمةِ | 19 | 90 | |
وَ جيىءَ يَوْمَئـذٍ بِـجَهَنَّمَ | 23 | 89 | |
تُسْقى مِنْ عَيْنٍ آنِيَةٍ | 5 | 88 | |
بَلْ هُوَ قُرْآنٌ مَجيـدُ | 21 | 85 | |
وَإذا المَوْؤُودَةُ سُئلَتْ | 8 | 81 | |
وَلَقَدْ رَآهُ بالأُفُـقِ المُبينِ | 23 | 81 |
Ecriture de alif voyelle longue :
orthographe coranique et moderne
L’une des difficultés les plus sérieuses pour réaliser correctement le texte à l’oral.
Avertissement : Sur certaines des images, nous avons du, pour des raisons pédagogiques, oblitérer des parties de texte pour ne garder que celles en rapport avec le point étudié.
Orthographe coranique |
Orthographe moderne |
Verset |
Sourate |
وَمِنْ شَرِّ النَّفّاثاتِ في العُقَدِ | 04 | 113 | |
قُلْ يا أَيُّها الكافِرون | 01 | 109 | |
و لا أَنْتُمْ عابِـدونَ ما أَعْبُدُ | 03 | 109 | |
إنّا أَعْطَيْناكَ الكَوْثَرَ | 01 | 108 | |
وَما أَدْراكَ ما الحُطَمَةُ | 05 | 104 | |
إنَّ الإنْسانَ لَفي خُسْرٍ | 02 | 103 | |
وَالعاديِاتِ ضَبْحاً | 01 | 100 | |
إنّا أَنْزَلْناهُ في لَيْلَةِ القَدْرِ | 01 | 98 |
Coran et arabe moderne :
différences dans l’orthographe et la syntaxe
Différences syntaxiques notables et rémanence de l’écriture médiévale, pour son caractère sacré dans l’orthographe arabe moderne.
Avertissement : Sur certaines des images, nous avons du, pour des raisons pédagogiques, oblitérer des parties de texte pour ne garder que celles en rapport avec le point étudié.
Orthographe coranique |
Orthographe moderne |
Verset |
Sourate |
لَكُمْ دينُكُمْ وَلِيَ ديني | 06 | 109 | |
رَسول ٌ مِنَ اللهِ يَتْلو صُحُفاً مُطَهَّرةً | 02 | 98 | |
سَنَدْعو الزبانِيَةَ | 18 | 96 | |
فَيَقولُ رَبّي أَهانَني | 16 | 89 | |
ثُمَّ لا يَموتُ فيها وَلا يَحْيا | 13 | 87 | |
إذْ ناداهُ رَبُّهُ بالوادي المُقَدَّسِ طُوىً | 16 | 79 | |
يُحْيِي المَوْتى | 40 | 75 |
Autres particularités orthographiques
entre Coran et arabe moderne
Orthographe coranique |
Orthographe moderne |
Verset |
Sourate |
وَما أَدْراكَ ما هِيَ | 10 | 101 | |
وَالليْلِ إذا سَجى | 02 | 93 | |
لَسْتَ عَلَيْهِمْ بِمُسَـيْطِرٍ | 22 | 88 | |
بَلْ تُؤْثِرونَ الحَياةَ الدُّنْيا | 16 | 87 | |
الصلاةَ وَآتوا الزكاةَ | 20 | 73 |
Remarques :
L’orthographe moderne a conservé certains aspects de l’orthographe médiévale coranique, devenus ainsi « figés » en quelque sorte, leur graphie antérieure ayant revêtu elle-même un caractère sacré :
Transcription coranique conservée | Prononciation | Transcription moderne possible |
هذا | hâdhâ | هاذا |
هذه | hâdhihi | هاذه |
الذي | Al-ladhî | اللذي |
الرحمن | Ar-rahmân | الرحمان |
ذلك | dhâlika | ذالك |
الله | Al-lâh | اللاه |
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Didactiques Langues Publications – 2006
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