Emilie BUSQUANT, Mme Messali HADJ
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Née le 3 mars 1901 en France à Neuves-Maisons en Lorraine industrielle, morte à Alger le 2 octobre 1953 ; sa tombe est au cimetière de Neuves-Maisons. Compagne de Messali, liée à son militantisme à Paris (CGTU-PC-Etoile Nord-Africaine) et à son action politique d’inspirateur du mouvement national algérien et d’organisateur du parti nationaliste dans l’immigration et en Algérie, de la nouvelle ENA dissoute par le gouvernement de Front populaire (1937) au Parti du Peuple algérien interdit en 1939 puis clandestin, au MTLD (1946) jusqu’à la crise de 1953. Les exils, les arrestations répétées, les périodes de détention, les longues assignations à résidence du leader nationaliste lui ont donné un rôle difficile d’intermédiaire dans les vicissitudes du parti messaliste, notamment en demeurant à La Bouzaréa au-dessus d’Alger, après la 2e guerre mondiale jusqu’à sa mort, alors que Messali était éloigné et contesté dans son parti même.
Si la rencontre de Messali, Ahmed Mesli, qui vient d’arriver de Tlemcen à Paris en octobre 1923 et d’Émilie Busquant provoque un coup de foudre, -“j’étais attiré par la jeune fille comme par un aimant” écrira-t-il , elle est aussi le recoupement de deux itinéraires sociaux, qui manifeste qu’à cette époque encore, en métropole plus facilement, la barrière coloniale n’était pas rédhibitoire. Fréquemment les soldats nord-africains pendant la guerre de 1914 et après, et le sergent Messali à Bordeaux en 1918-1919, sont accueillis dans des familles françaises ; il est vrai que le jeune sous-officier indigène fut éconduit par les parents d’une jeune fille de Bordeaux dans une demande de mariage.
Il n’y a pas de distance sociale ; dès 1924, Émilie et Messali vivent ensemble rue du Repos, au grand dépit de la tante, sans être mariés officiellement comme souvent les prolos et donc les migrants dans les villes. Mais dans les relations et plus encore dans la vie publique et politique, Émilie Busquant sera Madame Messali. Quand Messali Hadj sera vénéré comme le père du nationalisme, on entendra parler de sa femme comme de la “mère du peuple algérien”, celle qui, avant les manifestations, cousait le drapeau algérien à déployer. En août 1925, Messali va présenter à son père et à la famille à Tlemcen, sa compagne Émilie ; on accepte tout de ce garçon qui a pris le large en ne se mariant pas au pays dans le giron familial des mariages croisés.
Émilie Busquant soutient les efforts de réorganisation de l’Étoile Nord-Africaine. Selon Messali dans ses mémoires (écrits au début des années 1970), c’est “avec la collaboration de son épouse”, qu’il compose le rapport sur la situation de l’Algérie adressé à la Société des Nations à Genève en 1930. En fait, c’est Émilie qui écrit sous le propos de Messali qui ne se mettra que plus tard à la rédaction écrite en français. Le rapport sera repris ensuite dans les articles de protestation contre le Centenaire de la conquête de l’Algérie et en 1931 dans la contre-exposition de la CGTU pour dénoncer les fastes de l’Exposition coloniale. C’est de la nouvelle Étoile Nord-Africaine relancée comme parti indépendant en 1933, dont le siège est rue Daguerre dans le 14e arrondissement, que Messali devient maintenant un des deux permanents mal rétribués ; aussi il fait les marchés de la région parisienne, vendant principalement de la bonneterie. La petite famille vit encore sur le travail d’Émilie, qu’elle suspend cependant à la fin de 1934 ; elle devient alors tributaire des allocations du parti qu’incarne son compagnon.
Présentée comme Mme Messali, Émilie redevient la figure de femme et de mère, cette fois du PPA, qui porte la résistance nationale algérienne à la répression coloniale. Messali est arrêté et condamné à deux ans de prison dès novembre 1937. Bien sûr Émilie conduit les visites des enfants à la prison Barberousse et participe aux actions de protestation ; elle est à la tête de la manifestation du 14 juillet 1939. Le PPA est interdit le 26 juillet 1939 ; cependant Messali sort de prison le 27 août, mais pour un mois seulement.
Or Émilie est sans ressources autres que la mensualité assurée par le MTLD et qui vient à être contestée. Elle vit chichement avec les enfants, isolée dans la grande maison de La Bouzaréah doublement gardée par la police et les vigiles du parti ; les grandes pièces servent à longueur de temps aux conciliabules partisans. Le parti messaliste a deux sièges, pour les fidèles en Algérie à Bouzaréah, et en France autour même de la personne de Messali. Aussi Émilie Busquant quitte la Bouzaréah pour retrouver l’appartement de deux pièces de la rue de la Montagne à Alger. Elle qui écrivait encore dans une lettre de l’automne 1952 : “Je ne veux pas mourir avant de voir l’indépendance de l’Algérie”, souhaite être enterrée à Neuves-Maisons. Hémiplégique, elle devient autant dire impotente ; elle entre en coma le 23 septembre 1953. Les autorités françaises refusent à Messali de venir pour ces derniers moments à Alger, sauf à lui faire signer un engagement de garantir le calme politique. Émilie Busquant meurt le jour où est prononcée cette interdiction, le 2 octobre 1953.
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