L’enseignement de l’Arabe  en France et en Europe

Nov 2, 2020 | Didactique, Enseignement arabe

Langue nationale & langue étrangère

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Cela va de soi, en principe: on ne peut enseigner dans un pays la langue nationale, déjà plus ou moins maîtrisée à l’oral dès l’enfance, de la même manière et avec les mêmes méthodes lorsqu’il s’agit d’enseigner une langue étrangère, besoin qui se manifeste généralement plus tardivement. En France, l’enseignement des langues étrangères, de façon « institutionnelle » commence avec le collège.

Jusque là, l’Arabe était proposé dans certains établissements du primaire dans le cadre d’accords bilatéraux entre la France et surtout les pays du Maghreb, qui envoyaient leurs propres enseignants, qui souvent ignoraient même la notion de « langue étrangère », ses spécificités et ses exigences pédagogiques…

Les enseignants du secondaire, recrutés sur la base du Capes ou de l’Agrégation sont eux, formés pour enseigner la langue en LVI, LVII ou LVIII au même titre que les autres langues , européennes ou pas.

En quoi l’enseignement de l’Arabe en France et en Europe a-t-il bénéficié de ces avancées pédagogiques ?
Nous allons succinctement énumérer les principales dispositions et choix adoptés en France, notamment dans les programmes et directives de l’Éducation Nationale. Précisons que ces choix pédagogiques peuvent déboucher encore sur des pratiques parfois tâtonnantes, parfois sans éviter quelques défauts signalés plus haut, c’est-à-dire sans parvenir à pratiquer une véritable rupture avec certaines « errances » passées et signalées. Pour notre part, nous allons essayer, en toute objectivité de montrer en quoi ces avancées nous ont permis de progresser significativement dans nos préoccupations pédagogiques , mais aussi de nos productions, sans oublier de signaler les failles, les manques , les besoins nouveaux que l’on découvre au fur et à mesure que l’on pratique ce métier à la fois passionnant et si difficile. En toute modestie.

l’Arabe comme langue « morte – classique »

La question relève de l’idéologique et du politique : la langue arabe est celle dans laquelle a été révélé le Coran, logo divin universel, vérité essentielle, immuable et éternelle. Reconnaître que cette langue a évolué, c’est reconnaître implicitement qu’elle s’est éloignée du message divin, laïcisée en quelque sorte. De nos jours encore, ce sujet reste tabou : la langue liturgique est une et indivisible, valable en tous lieux et en tous temps. Prétendre le contraire, relève quasiment de l’hérésie ! Du moins au niveau du discours officiel… Dans la réalité, tout le monde sait que la langue a évolué, tous les spécialistes et les professionnels concernés contribuent à cette évolution : néologismes en abondances, mais aussi structures allégées, puisées abondamment dans les dialectes mais aussi dans les grandes langues dominantes (Anglais, Français…), notamment dans la presse et la littérature moderne.

Le résultat de cette incapacité à trancher la question et à permettre donc des recherches sérieuses dans le domaine, est que tous les systèmes scolaires et universitaires des pays arabes baignent dans une ambiguïté telle que l’on continue à enseigner l’arabe un peu comme une  « langue morte », ancienne ! L’aspect communication est dévolu aux dialectes, voire à une hypothétique « langue intermédiaire », les aspects purement cognitifs, destinés aux savoirs fondamentaux, réservé à l’arabe « classique », encore enseigné dans les plus pures traditions anciennes et confiné essentiellement aux domaines de l’écrit ! La littérature arabe médiévale et l’enseignement de la grammaire « à l’ancienne » occupent encore une place de choix dans les manuels scolaires.

Des élèves « primo-arrivants » rejoignent chaque année le système scolaire français en provenance de pays arabes. Ils possèdent des compétences incontestables en Arabe, mais de façon passive : brillants à l’écrit, ils sont souvent incapables de tenir un discours soutenu oralement au delà de quelques minutes ! Il en va d’ailleurs de même pour les enseignants du primaire et du secondaire que nous avons eu le loisir de rencontrer lors de sessions de formation franco-arabes organisées en France.

La langue arabe, du fait d’un problème de pluriglossie qui ne lui est pas propre d’ailleurs (l’Allemand, par exemple ou l’Espagnol connaissent le même phénomène) a malheureusement fait les frais –pour des raisons trop longues à évoquer ici- de l’ambiguïté « classique/littéral ». Dans les pays arabes, la langue, et cela est tout à fait normal, est enseignée comme langue nationale, d’abord comme langue tout court, hélas, dans un sens très classique –nous y reviendrons- puis comme véhicule pour toutes les disciplines aux programmes scolaires. Du fait de l’omniprésence des dialectes, ce phénomène de pluriglossie n’a jamais réellement été pris en compte et donc a été géré pragmatiquement selon les pays et surtout laissé à la compétence des enseignants et leur savoir-faire personnel.

Précisons que longtemps cependant, et surtout après l’indépendance des pays du Maghreb, les différents régimes successifs ont d’abord eu comme attitude d’imposer à l’école l’Arabe littéral au sens « pur » avec quasi interdiction d’utiliser les dialectes ! Un peu à la manière de la France interdisant il y a soixante-dix ans à peine, l’usage de langues régionales (breton, occitan) à coup de férule.

Cet aspect contre-productif au niveau pédagogique est heureusement dépassé depuis longtemps et l’Arabe « classique » cohabite avec son volet dialectal, au grand soulagement de tout le monde. Y compris de nos jours dans les médias officiels et même les plaidoiries au sein des tribunaux. Les choses évoluent dans le bon sens….

Nous avons employé l’expression « arabe classique » volontairement, car jamais, dans le monde arabe on n’a accepté de faire la différence entre l’arabe littéraire –classique et l’arabe moderne.

Le choix de l’approche communicative

Aux antipodes donc de la démarche omniprésente dans les manuels en provenance des pays arabes, orientée vers la littérature , surtout classique (donc essentiellement vers la langue de l’écrit) on privilégie l’Arabe en tant que langue de communication moderne, sans négliger le volet dialectal, autre facette de la même pièce. Là encore, les choses ne sont pas encore tout à fait claires pour tout le monde. (voir les débats qui se déroulent sur notre forum en ce moment et à ce sujet et surtout à propos de la langue «intermédiaire »). Contre-balancer les effets négatifs des dialogues « artificiels »

Conscients des problèmes signalés plus haut concernant la dérive dans la conception de dialogues programmés étroitement dépendants d’une progression grammaticale rigoureuse pour ne pas dire rigide, on a opté pour le choix de nouveaux courants pédagogiques, notamment ceux qui prônent le recours aux documents authentiques comme matériaux de base pour l’édification de toute méthode.
Cette démarche est fort séduisante et convaincante car elle résout en grande partie cette épineuse question du « corpus de base », qui a été réalisé pour le Français fondamental et qui nous manque cruellement en Arabe. Mais elle présente à notre sens un inconvénient majeur du point de vue de la réalisation pratique quand il s’agit de cours pour débutants complets, non dialectophones, avec donc l’immense volet phonétique à travailler sérieusement à la base, par exemple.

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