Littérature amoureuse Andalouse
IBN HAZM : LE COLLIER DE LA COLOMBE SUR LES AMOURS ET LES AMANTS (3)
طوق الحمامة في الألفة والألاف
ابن حزم الأندلسي
بـاب قــبح المـعـصــية
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ولقد أخبرني ثقة صدق من اخواني من اهل التمام في الفقه و الكلام والمعرفة وذو صلابة في دينه أنه أحب جارية نبيلة أديبة ذات جمال بارع ، قال : فعرضت لها فنفرت ثم عرضت فأبت فلم يزل الأمر يطول وحبها يزيد وهي صماء لا تطيع البتة الى أن حملني فرط حبي لها مع عمي الصبى على أن ندرت أني متى نلت منها مرادي أن أتوب الى الله توبة صادقة ، قال : فما مرت الأيام و الليالي حتى أذعنت بعد شماس ونفار ، فقلت له : أبا فلان وفيت بعهدك ؟ فقال : أي : والله … فضحكت. وذكرت بهذه الفعلة ما لم يزل يتداول أسماعنا من أن في بلاد البربر التي تجاور أندلسنا يتوب الفاسق على انه إذا قضى وطره ممن أراد يتوب لله فلا يمنع من ذلك وينكرون على من تعرض له بكلمة و يقولون له : أتحرم رجلا مسلما التوبة ؟ قال : ولعهدي بها تبكي وتقول والله لقد بلغتني مبلغا ما خطر لي قط ببال ولا قدرت أن أجيب اليه أحدا.
المؤسسة الوطنية للفنون المطبعية -الجزائر– موفم – للنشر 1988 – صص 183/184
Traduction : **
La laideur du péché
Un de mes amis, des plus éloignés du mensonge, juriste, théologien et savant accompli, d’une piété très rude, m’a appris qu’il avait aimé une jeune esclave d’une suprême beauté , aussi bien faîte que raffinée. « Je la sollicitai, me dit-il et elle me fuit. Je recommençai et elle se contenta de refuser. L’affaire n’en finit pas de durer. Mon amour grandissait elle lui restait sourde et rebelle. Enfin, l’excès de ma passion, avec l’aveuglement de la jeunesse, m’accabla, et je fis vœu, si elle me donnait ce que je voulais d’elle, de faire retour à Dieu en pénitent sincère. » Il ajouta : « Il ne fallut pas trop de jours et de nuits pour qu’elle se montrât docile après tant d’écarts et de dérobades. » Je lui demandai : « T’es-tu souvenu de ton serment ?
- Bien sûr, mon Dieu !
Alors, j’éclatai de rire.
Cette manière d’agir m’en rappelait une autre que nous ne cessions de nous raconter les uns aux autres. Au pays des Berbères, voisin de notre Andalus, les libertins ne font pénitence, ou plutôt n’acceptent de se repentir devant Dieu, que s’ils ont touché au but et obtenus ce qu’ils désiraient. Nul ne s’y oppose. On réprouve quiconque élève une objection, en lui disant : « Quoi, tu veux interdire à un musulman le repentir ! »
** Ibn. Hazm Gabriel Martinez -Gros. Sindbad. 1992 pp 203/204
الكـلام في ماهـية الحبّ
Propos sur l’essence de l’amour
والحب أعزك الله داء عياء و فيه الدواء منه على قدر المعاناة و سقام مستلذ و علة مشتهاة لا يريد سليمها البرء ولا يتمنى عليلها الإفاقة يزين للمرء ما كان يأنف منه و يسهل عليه ما كان يصعب عنده حتى يحيل الطبائع المركبة و الجبلة المخلوقة . خبر ، ولقد علمت فتى من بعض معارفي وقد وحل في الحب و تورط في حبائله و أضر به الوجد و أنضبه الدنف و ما كانت نفسه تطيب بالدعاء الى الله عز وجل في كشف ما به ولا ينطلق به لسانه ومان دعاؤه الا بالوصل و التمكن ممن يحب على عظيم بلائه و طويل همه فما الظن بسقيم لا يريد فقد سقمه و لقد جالسته يوما فرأيت من أكبابه و سوء حاله و إطراقه ما ساءني فقلت له في بعض قولي : فرج الله عنك فرأيت أثر الكراهية في وجهه وفي مثله أقول من كلمة طويلة :
واستلذ بلائي فيك يا أملي و لست عنك مدى الأيام أنصرف
ان قيل تتسلى عن مودته فما جوابي الا السلام و الألفة
المؤسسة الوطنية للفنون المطبعية -الجزائر– موفم – للنشر 1988
Comment on s’éprend d’un seul regard.
Histoire :
Je la tiens de mon ami Abû Bakr Muhammad ibn Ahmad ibn Ishâq, qui le tenait lui-même d’une personne digne de foi, dont le nom m’échappe. C’est peut être le cadi ibn al-Hadhdhâ. Yûsuf ibn Harûn , le poète que l’on appelle al-Ramâdî, passait la porte des Parfumeurs à Cordoue , là où les femmes se réunissaient , quand il vit une jeune fille qui réconcilia d’un coup toutes les fibres de son cœur, et dont l’amour rassembla sous sa loi tout son corps pénétré . Il se détourna de la voie de la voie de la mosquée, et la suivit. Elle passa le pont et se dirigea vers ce qu’on appelle le Faubourg. Quand elle fut dans les jardins que les Banû Marwân (1) -Dieu ait leurs âmes- ont fait aménager sur leurs tombes, dans le cimetière du Faubourg, de l’autre côté du fleuve, elle laissa tomber son regard sur lui. Il était seul, à l’écart, sans autre pensée qu’elle . Elle aussi s’écarta pour s’adresser à lui : « Pourquoi me suis-tu ? Il lui dit son tourment . « N’insiste pas, reprit-elle. Ne cherche pas à me déshonorer. Tu n’as rien à y gagner. Ton désir est dans l’impasse. »
- Je me contenterai de te regarder. C’est permis. Ô ma maîtresse, es-tu libre ou esclave ?
- Esclave.
- Quel est ton nom ?
- Solitude.
- A qui es-tu ?
- Tu es plus près de connaître le plus haut des cieux que de la savoir, sur Dieu. Ne me demande pas l’impossible.
- Maîtresse, où te reverrai-je ?
- Là où tu m’a vue, à la même heure et le même jour, vendredi (2).
Et elle ajouta : « T’en iras-tu ou m’en irai-je ? »
- Va-t’en toi et que Dieu te garde.
Abû ‘Umar -c’est-à-dire Yûsuf ibn Hârûn – disait : « Pa Dieu, depuis cette époque, j’ai hanté la porte des Parfumeurs et le Faubourg, et aujourd’hui encore, jamais je n’en ai eu aucune nouvelle, à croire que le ciel l’a dévorée ou que la terre l’a avalée. Mais dans mon cœur, ce qui reste d’elle brûle mieux que la braise ».
C’est cette Solitude, dont il a fait l’héroïne de ses poèmes d’amour. Plus tard, il en entendit parler dans un voyage à Saragosse qu’il avait entrepris pour elle. Mais c’est une longue histoire….
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Textes choisis et annotés par Mahfoud Boudaakkar
Traduction:
Gabriel Martinez-Gros
pp. 55-56
Sindbad, 1992
- 1- Omeyyades
- 2- C’est-à-dire le jour de prière où se rendait al-Ramâdî quand l’amour l’en détourna
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