Littérature arabe à l’époque de la jâhiliyya
أدب عصر الجاهلية
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Les Arabes appellent cette période « Jâhiliyya » -Ignorance- du fait que l’on y ignorait l’existence d’un dieu unique ainsi que la religion monothéiste qui allait s’imposer définitivement par la suite. En effet, les tribus arabes de l’époque étaient polythéistes et adoraient notamment un Dieu quelles appelaient déjà Allâh, représenté sous forme de statues. Les arabes adoraient même des déesses dont notamment les célèbre al-Lât, al-‘Uzza et Manât, citées et fustigées par le Coran.
A cette époque, la culture en Arabie était essentiellement orale. L’écrit, avec un support graphique très rudimentaire ne pouvait servir de véhicule à une culture déjà fortement enracinée, avec ses codes, ses exigences. La production « littéraire » se limitait en fait essentiellement à la poésie, déclamée oralement partout où se manifestait la vie : marché, champs de batailles, soirées conviviales, joutes oratoires entre poètes rivaux…
Malheureusement, de cette effervescence intellectuelle, il n’est resté guère de traces écrites datant de l’époque. C’est dans les dernières décennies de la fin du VIe siècle que commence à se développer une véritable tradition littéraire écrite. Les premiers écrits seront compilés deux siècles plus tard dans un grand recueil de poèmes : les Mu’allaqât . Cet ouvrage de synthèse ne donne qu’une vision partielle de ce que pouvait être la littérature de l’époque. Il est probable que seuls les poèmes ou les parties de poèmes jugés les meilleurs aient été conservés.
Les Mu’allaqât, sont donc un ensemble de poèmes pré-islamiques. Leur nombre varie en fonction des auteurs : de six à dix, sept étant le plus fréquent. Ce nom signifie « Les suspendues » car ces odes auraient été suspendues à la Ka’ba de La Mecque sous forme de parchemins dorés , un peu à la manière des fameux dazibaos de l’époque maoïste ou des affiches publicitaires d’aujourd’hui !
Ces œuvres ont été écrites durant une époque où byzantins et perses sassanides se disputaient l’influence sur la péninsule arabique, via leurs vassaux respectifs, les ghassanides et les lakhmides. Elles ont été réunies pour la première fois par Hammad Ar-Rawiya et contiennent les thèmes chers à la poésie arabe pré-islamique : * description de l’environnement, * l’éloge des protecteurs, des morts ou du poète lui-même, * l’injure des clans ennemis, * l’amour, * le vin.
Chaque texte contient, dans un ordre souvent peu logique, des métaphores, des comparaisons, des images, des références à la vie dans le désert. Les poètes de ce recueil sont originaires de différents endroits de la péninsule, mais l’ensemble est écrit dans la langue de la région de Hedjaz.
Les grands auteurs de la Jâhiliyya
Al-Nâbigha al-Dhubyânî
النابغة الذبياني
(né vers le milieu du VIe siècle.)
Dubyani est issu de la tribu des Banu Dhubyan, il a vécu près de La Mecque. Il a d’abord été poète de tribu, avant d’entrer à la cour du roi Lakhmide Al-Nu’man Abu Qabus, que Dubyani pleurera dans une élégie devenue célèbre. Suite à quelques vers sur la reine jugés insultants, il est obligé de quitter le royaume avant d’y revenir en 600. Il entre alors dans la cour des Ghassanides où il mène une vie fastueuse.
Kaaba & Mu’allaqât
La date de sa mort est incertaine, mais il semble qu’il ignorait ce qu’était l’islam. Ses poésies sont en grande partie des éloges et des satires sur les Ghassanides, les Banu Abs et les Banu Dhubyan.
La fin de son ode, parfois inclue dans les mu’allaqât, traduite par Jacques Berque, montre l’aspect politique de ce poète :
Voilà!
Ma louange si bellement tu l’écoutes
Ce n’aura pas été, oh non, malédiction
pour me produire à tes faveurs
Ce n’est qu’une plaidoirie, puisse-t-elle me servir
sinon j’aurais fait pacte avec le malheur !
النصيف : تعتبر قصيدة النصيف من قصائد النابغة الذبياني في الغزل
سَقَطَ النّصيفُ، ولم تُرِدْ إسقاطَهُ فتناولتهُ واتقتنا باليدِ بمُخَضَّبٍ رَخْصٍ، كأنّ بنانَهُ عنم على اغصانه لم يعقدِ نظرَتْ إليك بحاجة ٍ لم تَقْضِها نظرَ السقيمِ إلى وجوهِ العودِ قامتْ تراءى بينَ سجفيْ كلة كالشّمسِ يومَ طُلُوعِها بالأسعُدِ أوْ دُرّة ٍ صَدَفِيّة ٍ غوّاصُها بهجٌ متى يرها يهلّ ويسجدِ أو دُميَة ٍ مِنْ مَرْمَرٍ، مرفوعة مِن لُؤلُؤٍ مُتتابِعٍ، مُتَسَرِّدِ لو أنها عرضتْ لأشمطَ راهب عبدَ الإلهِ صرورة ٍ متعبدِ لرنا لبهجتها وحسنِ حديثها ولخالهُ رشداً وإنْ لم يرشدِ أهاجك من سعداك مغنى المعاهد ومن قصائد النابغة الذبياني في مدح النعمان بن المنذر:[٢] أَهاجَكَ مِن سُعداكَ مَغنى المَعاهِدِ بِرَوضَةِ نُعمِيٍّ فَذاتِ الأَساوِدِ تَعاوَرَها الأَرواحُ يَنسِفنَ تُربَها وَكُلُّ مُلِثٍّ ذي أَهاضيبَ راعِدِ بِها كُلُّ ذَيّالٍ وَخَنساءَ تَرعَوي إِلى كُلِّ رَجّافٍ مِنَ الرَملِ فارِدِ عَهِدتُ بِها سُعدى غَريرَةٌ
Hassan ibn Thâbit
حسان ابن ثابت
Poète pré-islamique, converti tardivement à l’Islam, il était aussi compagnon du prophète.
Thabit est né à Médine, au sein de la tribu des Banu Khazraj. Il a voyagé dans sa jeunesse en Syrie, à Al-Hira et à Damas. En Syrie, il parvient à se faire admettre dans la cour des Lakhmides et des Ghassanides. Il est ensuite revenu à Médine au temps de l’hégire où il se convertit à l’islam à l’âge de 60 ans en 622. Mahomet l’avait choisi comme poète, Thabit devait dans cette fonction, défendre l’islam contre les idolâtres.
Il participait souvent à des concours de poésie, et il est parvenu à convertir une tribu entière, les Banu Tamim en sortant vainqueur d’une joute poétique. C’est à lui que sera confié le premier travail pour la récension du Coran. C’est lui aussi qui sera chargé de produire la première version écrite du texte sacré malgré l’état ” primitif ” de l’écriture arabe de l’époque. Il meurt au début du règne de Muawiya en 660.
Maymun-al-aacha
ميمون الأعشى (590-629)
ميمون الأعشى est un poète bachique né dans le village de Manfuha.
Ce poète du VIIe siècle est un itinérant, surnommé “La cymbale des arabes”. Quasiment poète professionnel, il est l’auteur d’œuvres qui célèbrent les chefs de son temps, mais le panégyrique du prophète qui lui est attribué ne semble pas authentique.
Il aborde tous les thèmes amoureux, bachiques, guerriers, naturalistes caractéristiques de la poésie de l’époque ; l’une de ses odes est parfois incluse dans la somme des Mu’allaqât. Il meurt en 629 en tombant de sa monture alors qu’il retournait dans la région de Yamâma. Le poème inclus dans les Mu’allaqât, a été traduit par Jacques Berque.
Il commence ainsi :
Adieu, Hrayra
La caravane s’ébranle
Mais es-tu bien, toi, l’homme, capable d’un adieu
Une blancheur au front, les cheveux touffus, les dents pures
précautionneusement elle marche
comme endolorie dans la glaise
son allure quand elle revient de la tente de la voisine
est celle du nuage qui passe ni lent ni pressé
tu entends ses bijoux chuchoter à chaque fois qu’elle se tourne …
Pour les arabisants :
https://ar.wikipedia.org/wiki/%D9%85%D8%B9%D9%84%D9%82%D8%A9_%D8%A7%D9%84%D8%A3%D8%B9%D8%B4%D9%89
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