Le Couscous au patrimoine mondial de l’humanité

Fév 16, 2023 | Culture arabe

C’était il y a tout juste quelques trois années… Le couscous était (enfin !) classé par l’Unesco au patrimoine mondial immatériel de l’humanité!

Couscous images libres de droit, photos de Couscous | Depositphotos

Une nouvelle tant attendue et une information capitale, de la plus haute importance, vitale pour l’humanité entière qui a fait le tour du monde, relayée pratiquement par tous les médias : « Le couscous est entré officiellement au patrimoine mondial immatériel de l’humanité, a annoncé l’Unesco ce mercredi (16 décembre 2020). »
Un tel tintamarre que la Covid 19 et ses corollaires : semi-confinement jusqu’aux fêtes et après, problèmes d’avions et de voyageurs bloqués, presque pris en otages, incapables de rentrer chez eux et obligés de séjourner de force dans des conditions souvent précaires, guerres déclarées ou larvées  à travers la planète, sécheresses et famines,etc… tout est passé un certain temps au second plan.

Bien. Et on ne peut que s’en réjouir et se régaler avec une nouvelle qui flatte le ventre , le /les palais et surtout l’égo arabo-musulman souvent mis à mal ces dernières temps…

Pas seulement arabo-musulman (en fait Berbère, Maghrébin), mais également… Français!!! En effet, le couscous, avant de figurer désormais officiellement dans la carte du menu de l’Unesco est rentré de puis des lustres dans les habitudes culinaires des Français, au quotidien.
C’est devenu pour ainsi dire, un plat national. Rivalisant avec la choucroute, le cassoulet, le coq-au-vin ou la tête de veau si chère au défunt ex-président Chirac.

Pour les amateurs, surtout en France, et vu les polémiques que ce plat créer, même entre maghrébins, quelques précisions afin de mieux le déguster et d’en tirer le meilleur profit sans chamailleries inutiles. Inutile d’en vanter les vertus gastronomiques et les bienfaits sur la santé… Cela a été largement développé avec moult preuves par toutes les revues spécialisées en matière de diététique.

– Le couscous est à 100% Berbère, connu et consommé à volonté bien avant l’arrivée de l’Islam au Maghreb (en y incluant la Lybie et la Maurétanie).
-il n’est ni Algérien, ni Marocain , ni Tunisien ; personne ne sait dans quelle contrée du Maghreb il est né. Il est Maghrébin, point c’est tout. Voilà qui permettra peut être d’économiser ou d’éviter des palabres inutiles de la part de ceux qui continuent à attribuer des « nationalités » aux aliments qu’on mange et aux plats qui nous sont parvenus à travers les siècles et parfois en traversant des contrées insoupçonnées!
– une curiosité : les Romains qui ont occupé pendant longtemps surtout le Nord du Maghreb, ne l’ont pas introduit en Italie. Et nous avons interrogé nombres d’historiens, anthropologues, ethnologues, personne ne nous a donné une explication convaincante.
– le couscous a été introduit en France d’abord par les immigrés des premières générations dès le début du siècle dernier. Mais il est resté un plat « communautaire », consommé surtout donc en milieu fermé ou par quelques initiés, ouverts et solidaires avec les immigrés.
– c’est avec l’exode massive des Français d’Algérie, c’est-à-dire surtout ceux que l’on appelle les « pieds-noirs » que le couscous est sorti du cercle intime des milieux d’immigration. Ceux d’entre eux qui ont bénéficié d’aides de l’état ont peu à peu ouvert des restaurants une peu partout dans les villes qui les accueillaient et surtout en créant ou en convaincant des industriels de se lancer dans la fabrication et la distribution à grande échelle de semoule plus ou moins facile à cuire. Processus qui s’est beaucoup amélioré depuis, surtout que l’affaire s’est avérée rentable.
– il faut savoir -et ça c’est important pour les gastronomes et les fins gourmets- qu’à l’origine , le couscous est un plat essentiellement végétarien : semoule et légumes selon les saisons et les disponibilités régionales. On y ajoute de la viande uniquement à l’occasion des fêtes. Et une seule viande à la fois, généralement du mouton. Parfois, c’est du bœuf ou du poulet.
– les merguez, invention semble-t-il algérienne, n’ont jamais accompagné le couscous. Au bled et en milieu traditionnel, c’est même une hérésie ! C’est encore les pieds-noirs qui les ont amenées dans leurs bagages et ajoutées au couscous.
– Enfin, le comble : le couscous « royal » avec viande de mouton + bœuf + poulet + merguez !!! Devenus normal, chez les immigrés de longue date. Toujours choquant pour celles et ceux qui visitent la France pour la première fois. Aveu d’une vieille dame venue (enfin !) visiter ses enfants. Invitée au restaurant, elle se voit proposer le « royal ». Surprise d’abord par l’abondance et la variété de viandes, elle finit par lâcher à ses enfants : « ici, vous faîtes ça parce que vous avez les moyens. Nous au bled, si on pouvait, on ferait pareil ! ».

Les savoirs, savoir-faire et pratiques liés à la production ...

Précisons que le couscous, bien qu’adopté depuis longtemps par la France grâce surtout à ses pieds-noirs-entrepreneurs,  et en quelque sorte internationalisé , est resté au Maghreb un plat exclusivement populaire et convivial, accompagnant les fêtes de toute sorte (mariages, circoncisions, retour de pélérinage…).  Et malgré les progrès de l’industrie agro-alimentaire grâce aux technologies modernes, sa production reste largement artisanale, le fait de regroupement familiaux et même de villages en milieu rural. Rouler le couscous collectivement, le laisser sécher au soleil relève quasiment d’un cérémonial séculaire. C’est exclusivement le travail des femmes qui en profitent pour se retrouver, dans une ambiance festive, chanter, échanger des informations et surtout s’adonner à leur jeu favori: nouer et dénouer des mariages concernant leurs progénitures mais aussi celles de tous les proches. Le plus souvent en n’avisant les principaux concernés qu’une fois « l’affaire conclue »! Au prix d’essuyer des refus cinglants, ce qui est de plus en plus le cas!!!

Pour terminer, une anecdote : la nouvelle ministre de la culture en Algérie de l’époque, apprenant la nouvelle planétaire sur le couscous s’est crue obligée de déclarer -sans doute pour prouver sa grande culture – que « une maman algérienne qui ne sait pas rouler le couscous est un danger pour sa famille ! ». Texto.
Un journaliste et écrivain algérien de renom lui a répondu sur sa page Facebook : « voilà une femme ministre qui devrait rouler sa langue dans sa bouche 7 fois avant de parler ». Nous lui donnons 1000 fois raison et ajoutons : ces gens-là qui nous gouvernent, que ce soit ici en France ou au Maghreb, ne savent certainement pas rouler le couscous, mais ils (elles) savent parfaitement nous rouler dans la farine, nous modestes contribuables !

M.B

2020/2023

 

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