Maghreb et vêtements traditionnels berbères

Juil 27, 2023 | Culture arabe, Histoire, Société

Les tenues berbères traditionnelles… à la mode!

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Par Mahfoud Boudaakkar

Il n’est pas question ici de refaire l’histoire du Maghreb et de vouloir, par exemple réhabiliter le fait berbère, longtemps occulté, méprisé, ignoré par les différents envahisseurs qu’a connu le Maghreb, y compris par les Arabes, puis les Turcs, les Français..  Ces derniers n’ont montré que quelques intérêts à titre ethnologiques de la part de leurs chercheurs ou photographiques de la part de leurs voyageurs occasionnels à la recherche de frissons exotiques. Les colons aussi se plaisaient à faire des photos, surtout de femmes, habillées en vêtements traditionnels berbères.

Quelques peintres également ont été inspirés par la beauté des tenues berbères aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Mais les fameux peintres dits « orientalistes » étaient aussi sous influence coloniale et mélangeaient leurs propres fantasmes à leurs talents picturaux. Ils s’intéressaient d’ailleurs surtout aux scènes d’intérieurs, montrant des femmes lascives, dans des décors orientaux qui font rêver l’Européen qui n’a jamais connu ces contrées « lointaines « et ne le verrait sans doute jamais…

Les indépendances des pays du Maghreb n’ont hélas pas vraiment changé la donne. Certes, il n’était plus question de nier le « fait berbère » ou de le réduire à sa seule dimension folklorique. Mais l’époque était à l’arabisme lyrique et exclusif, avec Nasser, la Nahda Arabe sur le plan culturel, la réhabilitation de la langue liturgique du Coran, déclarée langue officielle dans tous les pays arabes et le rappel de tous les Hauts Faits arabes depuis la naissance du premier Etat musulman sous la direction du Prophète lui-même, jusqu’aux décolonisations, en passant par les différentes dynasties arabo-musulmanes qui se sont succédées, notamment celles des Omeyyades, puis celle des Abbassides, sans oublier le Califat autonome d’Espagne en Andalousie…

Les berbères ayant été largement repoussés par les différentes invasions arabo-musulmanes vers l’intérieur des terres d’Afrique du Nord, c’est-à-dire d’une partie de l’Egypte de l’ouest, de la Libye et de la Tunisie vers l’actuelle Algérie et le Maroc (nord et sud), après les indépendances, la question de la culture berbère ne se posait de façon récurrente que dans ces deux pays. La berbérité en Tunisie étant restée confinée surtout dans l’île de Djerba.

Certes, les pouvoirs marocains et algériens, obnubilés par le panarabisme ont lâché du lest mais si peu : pas de recherches sérieuses concernant la langue berbère, black-out dans les ouvrages scolaires sur l’histoire de L’Ifriqya Berbère d’avant l’arrivée de l’Islam, motus et bouche cousue sur les héroïnes (Kahina) et héros (Jugurtha) qui ont combattu les armées musulmanes etc..

Sur le plan folklorique, oui. La chanson kabyle par exemple a été largement diffusée même aux temps de la radio et de la télévision uniques d’Etat. Lors des fêtes nationales ou régionales, on pouvait parader en costumes traditionnels berbères. Une chaîne en langue berbère était même tolérée en Algérie. Le Maroc, avec les populations berbères Chleuhs a toujours été un peu plus « libéral ».

Emergence de la culture berbère et effets de mode

Ces dernières années, les pays du Maghreb ont connu des  soubresauts , des mouvements sociaux politiques d’envergure qui ont aboutit, entre autre, notamment en Tunisie et en Algérie au départ forcé des présidents en exercice Zine el Abidine et Abdelaziz Bouteflika. Les questions identitaires, notamment celles ayant trait aux langues arabes et berbères et à l’identité berbère du Maghreb ont surgit de manière vigoureuse comme jamais auparavant et au final, la langue Tamazight a fini par être reconnue comme langue nationale en Algérie, à côté de la langue arabe.

Du coup, tous les autres aspects de la culture berbères ont repris leur juste place dans le débat national : poésie, littérature, histoire, grands noms de la berbérité y compris les grands personnages qui se sont mis au service de la cause musulmane par la suite, comme Tariq Ibn Ziyad qui a conquis l’Espagne (Andalousie), ou les longues pages de la Muqaddima, écrites par Ibn Khaldoun en l’honneur de la berbérité…

Il faut savoir -et avoir le courage de le dire aussi- que la tenue typiquement  berbère, pendant tout ce temps a continué certes à exister, à être travaillée méticuleusement et avec amour selon les traditions et les matériaux les plus ancestraux, savoir-faire transmis de génération en génération quelle que soit la période et quels que soient les occupants de la région du moment.

Mais il en est autrement du port de cette tenue. Selon la période, les contraintes du moment ; selon qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, selon les occasions et leur nature (fêtes religieuses, ou sociales comme les mariages par exemple…). Selon que l’on soit citadin ou habitant des zones rurales, selon la classe sociale à laquelle on appartient, la région, la tribu, l’âge, etc…

 Il est indéniable que la colonisation française a progressivement pratiquement sonné le glas du port de la tenue traditionnelle. Peu à peu, les maghrébins rejoignant les villes, petites, moyennes ou grandes pour y chercher du travail, choisissaient de porter des tenues occidentales dans le but d’être mieux vus et d’avoir plus de chance d’espérer une embauche.

Parfois, cela atteignait les limites du cocasse : certes, il fallait faire une concession majeure au colonisateur pourvoyeur de travail en passant au costume occidentale (essentiellement pantalon, chemise et veste). Mais on gardait souvent un accessoire traditionnel comme pour se démarquer, comme pour dire aux siens : « regardez, je n’ai pas entièrement renié mon identité » ! Il s’agissait alors de garder le chapeau traditionnel (chéchia courte à la tunisienne , ou chéchia dite Istamboul, plus haute, sorte de cône cylindrique avec un pompon qui tournoie selon les mouvements de la tête !). On pouvait parfois aussi porter sous la veste et sur la chemise occidentale un gilet à l’ancienne, de style ottoman, élégant et tout bordé de broderies. Le plus original dans ce genre d’accoutrement « mixtes », consistait à porter carrément un sarouel (pantalon bouffant), avec au-dessus, l’ensemble veste européenne, chemise et gilet turc ! Sans oublier la chéchia, bien sûr, ou parfois même le turban !!!

Vêtements et mode berbère à l’honneur

Les chamboulements connus dans les pays du Maghreb ont remis sur le tapis la question berbère, disions-nous. Le problème vestimentaire, qui peut paraître secondaire a pris des proportions inattendues. Et pas uniquement par esprit de revanche, de provocation ou pour se distinguer dans les manifs par exemple.  Non, le vêtement est devenu un « instrument » de lutte, un symbole de taille, et son exhibition en public vaut tout un discours, voire même est devenue l’égal du fait d’arborer le drapeau Amazighe, désormais reconnu par les autorités et présent dans toutes les manifestations, politiques, sportives ou culturelles…

Durant longtemps, l’habit berbère était resté cantonné aux espaces intérieures, aux fêtes intimes ; on avait presque honte de le porter dehors, à part en milieu rural où les femmes berbères, Kabyles, Touaregs ou Chaouias n’hésitaient pas à aller travailler dans les champs en tenue traditionnelles. Aujourd’hui, les temps ont changé. C’est devenu un honneur, une grande fierté de porter les vêtements ancestraux, si possible retravaillé, revus selon les goûts d’aujourd’hui, revalorisés par l’emploi de tissus nobles et traités par des instruments ou des machines modernes.

Cela est valable pour les petites productions locales et la consommation forcément limitée des populations en cause ou intéressées.

Mais les choses vont beaucoup plus loin, désormais. Le vêtement berbère, au-delà de toute la symbolique qu’il représente, est aujourd’hui à la mode ; un véritable produit de consommation de masse, qui attire investisseurs, designer, distributeurs, consommateurs et médias spécialisés dans l’habillement. Et ce, à l’échelle internationale comme nous allons le voir, et entre les mains de grandes entreprises de réputation mondiale.

Mais avant de rentrer dans l’univers de la mode berbère à proprement parler, essayons, brièvement de nous familiarise r avec ce monde berbère, sa composition ethnique, son histoire, sa culture en générale dont l’habillement n’est que la partie apparente.

La berbérité, ses composantes tribales, sa diversité

 Les Berbères (Imazighen) constituent un groupe ethnique autochtone d’Afrique du Nord, région géographique aujourd’hui appelée Maghreb. (Couchant ou Occident par rapport au Moyen-Orient d’où sont venues les armées arabo-musulmanes qui ont finit par conquérir la région, jusqu’en Espagne).

Le Maghreb, ou l’Afrique du Nord a connu plusieurs noms. Dans l’Antiquité, la région était connue sous le nom de Lybie. Et les berbères étaient donc nommés Libyens. Puis, on les a appelés Mazices (surtout pour les berbères de Maurétanie), Maures, Numides, Gétules, Garamantes et la liste n’est pas complète. Ils sont répartis dans une zone qui s’étend de l’Océan Atlantique à l’Oasis de Siwa en Egypte et de la mer Méditerranée au fleuve Niger en Afrique de l’Ouest. Ils parlent la langue berbère, classée dans la branche des langues afro-asiatiques.

La majorité des populations berbères se trouve en Afrique du Nord. On les trouve au Maroc, en Algérie, en Tunisie (où leur nombre est plus réduit), en Libye, au Niger, au Mali, en Maurétanie, au Burkina Faso, en Egypte, mais aussi aux îles Canaries… D’importantes diasporas vivent en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, au Canada, et dans d’autres pays d’Europe. Ces dernières années, du fait de l’immigration de nombreux jeunes, on trouve des berbères même aux Etats-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Quelques-uns ont réussi à s’établir en Amérique Latine !

Sur le plan religieux, la majorité des berbères ont été islamisés après la conquête du Maghreb et de l’Andalousie et l’avancée (souvent pacifique) de l’Islam vers les pays du Sahel et l’Afrique subsaharienne. L’Islam Sunnite (orthodoxe) est dominant, mais on trouve aussi des minorités Ibadites (un des schismes de l’Islam) dans le Djebel Nefoussa et à Zwara en Libye, à Djerba en Tunisie, mais surtout dans le Mzab en Algérie (Ghardaïa) et à Ouargla. Quelques minorités juives et chrétiennes subsistent encore ça et là…

Des différences dans tous les domaines existent entre les différentes « tribus » berbères, selon la région qu’elles occupent et selon leur propre histoire locale. On devrait plutôt parler de « variantes », tans les similitudes, le socle culturel commun est solide et parfaitement partagé, de l’île de Djerba au Rif Marocain, en passant par les Aurès, la Kabylie, les pays Touaregs, le Mzab… Cela est valable pour la langue, comme pour les costumes ou les décorations en tout genre et sur différents supports.

C’est la raison pour laquelle, question mode vestimentaire, nous allons spécifier pour chaque pièce l’origine (kabyle, mozabite, Chelhi ou Targui…), car les berbères, bien que ne formant qu’un seul et même peuple sont fiers aussi de leurs variantes régionales et de leurs particularités respectives.

costumes berbères des Aurès (Algérie)

Le massif auréssien est un véritable rempart naturel, un relief qui fait obstacle aux intrusions extérieures. Il est encore plus difficile d’accès que les montagnes de Kabylie.Cette particularité a permis la permanence de formes vestimentaires et de parures vernaculaires peu influencées par les cultures étrangères. Célèbres depuis l’antiquité pour leur résistance aux envahisseurs de tous bords, les tribus des Aurès conservent des costumes qui appartiennent à la grande famille des costumes berbères. Ainsi, l’élément fondamentale de la tenue des femmes reste le péplum de type dorien, appelé elhaf . Il s’apparente, par le nom, à la melhafa des Constantinoises et de toutes les citadines algériennes, pourtant, il ressemble davantage à l’akhellal kabyle at aux drapés maghrébins de type rural.

Le péplum à fibules perdure dans les villages de l’Aurès plus longtemps que dans les autres régions montagneuses de l’Algérie septentrionale. Cependant, les femmes auréssiennes renoncent moins difficilement que leurs voisines kabyles à certaines traditions ancestrales liées ç l’habillement et à la parure. Dès le début du XX ème siècle, elle font sertir leurs bijoux de verres colorés et oublient les cabochons de corail rouge. Elles optent aussi pour les cotonnades et abandonnent de façon précoce les laines tissées héritées de l’ère antique.

Elhaf est confectionné alors à partir de lés de toile de coton noire qui lui donne davantage de souplesse. Les galons de passementerie vivement colorés, le plus souvent jaunes, rouges, verts ou roses, qui soulignent ses bords créent un contraste visuel saisissant.. Plus léger que son prédécesseur rustique, l’Elhaf en coton nécessite la présence de vêtements sous-jacents, surtout durant la saison froide. Une chemise et une tunique, toutes deux coupées dans de simples cotonnades, sont prévues à cet effet. La première, portée à même la peau, s’appelle meqdha. De forme rudimentaire et de teinte sombre, elle possède des manches, tandis que la tunique qui la surmonte, appelée teibibt , en est dénudée.

Quand la température l’exige, les villageoise qui peuvent se le permettre endossent deux ou trois tjibibin. Parfois , c’est plus par ostentation que pour combattre le froid que les femmes  suoerposent les robes de ce type. En effet, apparentée à la djoubba constantinoise, dont elle a acquis le nom en version berbère, la teibibit, semble jouir d’un statut privilégié du fait de son origine ctadine . Pour preuve, l’accumulation de plusieurs tijibibin entre la meqdha blanche et l’Elhaf soyeux de couleur délicate qui habillent la mariée auréssienne.

La proximité de Constantine entraîne l’assimilation du principe du vêtement coupé et cousu par les villageoises des Aurès vers la fin de l’époque ottomane. Les bijoux, bien que façonnés en argent, trahissent également l’influence de la capitale régionale notamment à travers l’usage fréquent de la technique du filigrane. Les deux fibules de l’Elhaf sont enjolivées de décors filigranés, mêlés à d’autres types d’ornements, tels que les demi-sphères creuses, les grenailles, les incisions, les contours dentelés, les incrustations de verres rouges ou verts, et surtout les ajours qui tracent des motifs géométriques et floraux. La plaque soudée à la racine de l’ardillon de la tabzimt auréssienne supporte ces décorations et différencie les fibules entre elles. Ainsi, l’originalité et la variété des formes de la tabzimt auréssienne qui passent de l’ovale au triangle et au cercle, réhaussent l’uniformité du péplum puisque seul l’Elhaf réservé aux occasions peut afficher des tissus colorés aux tonalités claires, voire même des soieries pour les femmes qui ont en les moyens.

Depuis très longtemps, la monotonie du péplum quotidien est également rompue par la présence d’une chaîne reliant les deux fibules entre elles qui soutient aussi bien des boîtes à amullettes rectangulaires en argent ciselé ou repoussé, appelées lehrouz que des boîtes à miroir circulaires, appelées thilema’in. Les premières renferment des talismans contre le mauvais œil , tandis que les secondes correspondent en général à de simples étuis en cuir qui découvrent la partie centrale du miroir afin de repousser les esprits malins.

Partfois, les boîtes à miroir constituent de véritables pièces d’orfèvrerie ; elles sont alors ajourées de manière à ne pas entraver l’action protectrice du miroir. Des pendentifs symbolisant la main qui éloigne le mauvais œil, lointain héritage de croyances antiques punico-numides, peuvent s’adjoindre à ces nombreuses boîtes. La devanture de l’Elhaf se dissimule ainsi sous une multitude d’objets magiques.

Mais la femme Chaouia détient un autre bijou de grande valeur qui suffit à lui seul à parer le buste : le guerran ou aguerran. Chargé de trois disques liés entre eux par des fragments de chaînes, il connecte deux fibules arrondies qui retiennent les pans du péplum. Cet ornement de poitrine comporte donc cinq éléments circulaires ajourés, réhaussés de verroterie et chargé de nombreuses chaînettes à pendeloques, les tiselslet, omniprésentes sur la majeur partie des bijoux des Aurès.

La fibule, élément central du vêtement berbère

La fibule berbère est à la fois un élément décoratif et symbolique qui occupe une place très importante dans le patrimoine berbère. En langue autochtone tamazight elle est appelée tieseghnest (pl. tiseghnas), ou encore tazerzit (pl. tizerzay) selon les régions.

Dans la majorité des dialectes berbères, notamment en Rifain (Maroc), en Mozabite et en Tamazight du Moyen-Atlas, elle est appelée tiseghnest. Mot signifiant « fibule » « broche », ou encore « agrafe » et lié à la racine pan-berbère GHNSD qui donne les mots eghnes/ghens : « brocher », agrafer ».

Dans le Souss (région du sud marocain), elle est appelée tazerzit, tazerzet, tazeroyt, ou encore tazerzoyt. Le terme est lié à la racine berbère RZY qui donne les mots zerzi, erzi, razy et qui signifie « faire embrocher ».

En Kabylie ,la fibule est aujourd’hui connue sous le nom de « afzim » ou « abzim » « tafzimt, ». En arabe maghrébin, la fibule est appelée « bzima », khellâla », khullâla ».

D’après l’auteur française Henriette Camps-Fabrer, l’apparition de la fibule remente à l’âge du bronze pour le Maghreb. Elle indique dans son article  L’origine des fibules berbères d’Afrique du Nord  : « Il fallut d’ailleurs attendre 1964 pour que soit mis en lumière, par G, Camps, l’existence d’un âge du bronze au Maghreb. Cependant, dès cette époque où aucune chronologie sûre ne peut être établie, on voit apparaître deux types de fibules.

Le premier est représenté par une fibule en archet qui provient du dolmen de Béni Messous (commune située dans la proche banlieue ouest d’Alger). Cet objet, malheureusement perdu, a été décrit par le Dr Bertherand qui précise qu’il doté d’un porte-agrafe. Le second type (retrouvé lui aussi à Béni Messous) est une fibule en oméga qui, elle, est conservée au Musée National du Bardo à Alger et dont le mode de fixation n’exige pas la présence d’un porte-agrafe.

Il s’agit en effet d’une fibule annulaire ouverte dont les extrémités sont renforcées par des polyèdres (forme géométrique à plusieurs faces). Un ardillon (partie mobile d’un ceinturon qui rentre dans un des trous pour fixer la ceinture), le long de l’anneau est constitué d’une étroite feuille de bronze enroulée autour de l’anneau et se terminant en pointe.

La fibule, signe de fierté et de chasteté

Les grandes fibules berbères sont souvent destinées à un usage décoratif, mais il existe de petites fibules souvent utilisées comme broches, sans oublier les toutes petites dont l’utilisation est destinée aux cheveux ou au front. De nos jours, elle est plus utilisée comme broche et généralement portée avec la tenue traditionnelle berbère, constituant un signe de fierté et de chasteté pour les femmes berbères.

Ces fibules en anneau ouvert, ou fibules » pennanulaires », sont portées généralement par paires, avec la pointe de l’épingle tournée vers le haut. Elles sont généralement de grande taille, et de facture plus sommaire que les broches britanniques médiévales, si l’on excepte un groupe de ces accessoires dont la tête d’épingle est très grosse et richement ouvragées.

La plupart des fibules berbères portées par paires sur chacune des épaules servent à retenir la pièce de tissu rectangulaire qui se porte sur les autres vêtements. Elles sont le plus souvent reliées par une chaîne intercalaire (retenues par des crochets se trouvant à la tête des épingles), au milieu de laquelle est accrochée une boîte. Pourtant, certaines fibules circulaires se portent sur la poitrine ou sur le petit foulard porté sur la tête comme l’adwir de la Grande Kabylie.

Les bijoux et parures des Aurès : entre tradition et innovations

A côté de la tabzimt traditionnelle, une forme plus récente de fibule s’est infiltrée dans la panoplie des bijoux de poitrine, sans doute vers le début du XX ème siècle. Appelée amessak, elle partage toutes les caractéristiques ornementales des fibules auréssiennes, sauf que son ardillon est placé à l’intérieur d’une perforation centrale. Cette broche s’avère idéale pour fixer les manteaux à la base du cou. Les villageoise revêtent en effet des mantes de coupe rudimentaire qui enveloppent les épaules avant de couvrir le corps, telles que le long et épais téjdidh  hivernal en laine écrue, ou l’elthem estival de cotonnade foncée, ou encore l’élégant ouga en fin lainage et le kettef en soie.

Les Auréssiennes s’en remettent aux bijoux pour embellir leurs costumes, autant que les autres habitantes des autres régions rurales d’Afrique du Nord. Elles préfèrent aux encolures brodées les colliers de type cherka, munis d’une pléiade de chaînettes qui créent un véritable plastron, ainsi que l’imposant collier archaïque réservé aux femmes mariées, appelé skhab, avec ses perles brunes odoriférantes, ses coraux et son pendentif massif en forme de main stylisée. Grâce à la ceinture obtenue , comme sa cousine kabyle, par l’assemblage de tresses de laine aux couleurs vives, elles détermine la longueur du péplum de manière à découvrir la partie inférieures des énormes bracelets de chevilles en argent ciselé dont elles ne se séparent jamais. Au XIX ème siècle, l’aspect colossal de ces ikhalkhalen cylindrique d’au moins huit centimètres de haut détonne avec la forme  rudimentaire des chaussures, qu’elles soient du modèle le plus répandu employant des semelles d’alfa tressé et qui s’attache autour du pied et de la cheville à l’aide de cordelettes, ou bien du modèle de fête plus coûteux en cuir rouge garni de pompons verts, appelé belgha.

L’assujettissement des vêtements aux bijoux s’observe enfin au niveau des bras. Les manches évasées de la meqdha dépassent à peine le niveau du coude de façon à laisser paraître les nombreux bracelets ; appelés imeqyasen et imesyasen, dont la Chaouia ne peut se passer. L’ameqyas le plus commun présente des ornements en relief flanqués de grenailles ou de cabochons de verre. Les Auréssiennes enfilent au moins trois paires d’imeqyasen par bras, mais cette quantité double à l’occasion des cérémonies, à moins qu’elles ne les mélangent à des bracelets ajourés plus anciens ou encore à de larges bracelets de tiges appelés souar. La coiffure soutient quant à elle le poids des bijoux de tête prolongés par des grappes de longues chaînes aux pendeloques diversifiées.

Chez les Berbères, les bijoux et les parures complètent l’habillement

Les étoffes des foulards et du turban qui coiffent les villageoises se devinent difficilement sous le diadème formé de plaques ajourées illuminées de verroterie, notamment dans les villages de la vallée de l’Oued Abdi, où se concentrent les orfèvres les plus habiles et les plus réputés de la région. Pourtant, l’agencement du turban en toile de coton dont les extrémités, soulignées de rubans dorés, débordent sur la tempe ou se déposent sur l’épaule après avoir contourné le visage, requiert une grande dextérité.

Proches du diadème, les temporaux ou ne’assa, suspendus au turban et annexés aux chaînes de la jugulaire, ‘angab, qui passe sous le menton, impressionnent parfois par leurs dimensions. Ils jouxtent les touchnet ou timchrafin, splendides anneaux d’oreilles d’origine byzantine réhaussés de motifs ajourés internes et de dentelures externes, qui émergent du turban. L’extrême variétés des anneaux d’oreilles auréssiens du XIXème siècle se réduit, au cours des décennies suivantes, à quelques modèles de boucles aux dimensions plus modestes. Avant le milieu du XX ème siècle, la tchouchana disparaît et la timechreft devient démodée. Aussi, la coutume qui veut que les femmes alignent trois ou quatre anneaux différents sur chaque oreille et accrochent les plus lourds d’entre eux au turban à l’aide de cordonnets s’efface progressivement.

Des bijoux moins massifs et moins sophistiqués

L’influence croissante des modes citadines encourage la diffusion de bijoux moins massifs. Le skbab, privé de ses coraux, se limite désormais à quelques rangs de perle odoriférantes portées par les montagnardes plus âgées, tandis que les ikhalkhalen encore très présents durant le premier quart de siècle, s’éclipsent face à des anneaux de chevilles plus étroits, les irdifen, inspirés des rdaïf constantinois. L’allègement de la parure touche toutes les parties du costumes. Il coïncide avec l’élimination du péplum traditionnel. La longévité de l’Elhaf dépasse celle de l’akhellal de Kabylie car le drapé auréssien s’adapte aux cotonnades manufacturées, unies ou bigarrées, au même titre que les foulards de tête, la chemise et la robe de dessous. Il finit cependant par céder le pas devant le tejbibt, dès le milieu du siècle. Cette robe cousue partage avec le taqendourth kabyle son empiècement garni de galons colorés et ses étoffes parsemées de fleurs imprimées, mais elle s’en différencie par l’absence de manches, d’où l’usage indispensable d’une chemise à manches. Cela provoque naturellement la raréfaction des fibules et des parures de la poitrine. Les boîtes à amulettes descendent alors vers la taille et s’accrochent à la ceinture en laine. Elles sont à leur tour condamnées à disparaître, à peine la ceinture métallique de style constantinois, formée de plaques ajourées rassemblées par des charnières, s’est-elle acclimatée au costume de cérémonie auréssien.

Dès l’indépendance, de nombreuses femmes optent pour les parures en or. Celles-ci reproduisent le plus souvent le style décoratif des bijoux de la région, pourtant, l’acculturation du costume féminin semble plus prononcée qu’en Kabylie. Les bijoux de tête de résument à une simple série de sequins ou au diadème à charnière, lejbin, lui aussi importé de Constantine.  Les jeunes femmes se passionnent pour la ferronnière en or algéroise ou khit errouh.  D’autre part, depuis que les mantes épinglées à la base du cou se sont transformées en élégantes étoles de soie blanche qui enveloppent les épaules et les bras, la fibule est acculée à remplir un rôle purement décoratif. Enfin, la robe de fête actuelle imite la djoubba constantinoise : elle s’agrémente autour de l’encolure de broderies dorées qui répètent des motifs circulaires exécutés à la machine. Cependant, à l’occasion des manifestations folkloriques, c’est bien l’ancien péplum drapé noir, gansé de rubans colorés, que les danseuses auréssiennes déploient avec fierté.

 Modes, vêtements et parures de Kabylie

En Algérie, les femmes berbères portent la tenue pour les mariages et les évènements dans les régions de Tizi-Ouzou, Béjaïa et Bouira. Les robes algériennes sont le plus souvent de couleurs vives. Chaque village et/ou région a sa spécialité (couleurs, broderies…). Souvent les robes portent un nom qui est lié à leur origine géographique : la robe iwadhien, par rapport à la région des Ouadhias, i3azzouguen, par rapport à Azazga.

La Kachabiya

La Kachabiya, en berbère haqechabit est une tunique traditionnelle d’origine berbère , très répandue en Algérie dont elle est originaire. Elle s’est ensuite répandue dans les pays frontaliers notamment la Tunisie et le Maroc et dans l’ouest de l’Algérie où elle prend le nom de djellaba.

Elle occupe également une place importante dans la mémoire collective algérienne, car elle représente avec le Burnous, le vêtement que portaient les maquisards durant la guerre d’indépendance nationale.

D’après Georges Séraphin Colin, le terme kachabiya (ou kachabia) employé en Algérie centrale et orientale, serait la déformation du mot latin gausapa, terme qui se serait conservé sous la forme gosaba dans l’Adrar (région située au cœur géographique et historique de la Maurétanie), où il désigne la chemise.

A la base, la kachabiya dérive du burnous : il s’agit bel et bien d’un burnous fermé en avant et doté de manches longues, ce qui fait que tout comme pour le burnous, , on trouves des kachabiya tissées en poils de chameaux , notamment chez les Ouled Naïl avec la ville de Djelfa comme centre de production ;  des kachabiya tissées en laine noire caractéristiques des chaouis, tout comme le burnous noirs chez ces derniers ou encore en laine blanche dans les villes de l’ouest de l’Algérie avec des centres de production importants tels que la ville de Nedroma, réputée pour ses djellabas.

Aujourd’hui, il existe des kachabiya modernes en coton avec différents motifs et différentes couleurs qui se font une place dans le marché, parfois au détriment de la production artisanales.

Les robes kabyles

La robe kabyle (tagendurt) est un costume traditionnel algérien, vêtement typique et très populaire en kabylie. Elle se caractérise par des couleurs vives et des lignes simples. Longtemps confinée aux campagnes, portée surtout par des femmes d’un certain âge, jalouses des traditions, ou aux occasions festives à « coloration folklorique ». Elle revient puissamment sur le devant de la scène, après les évènements qui ont secoué l’Algérie ces dernières années et l’émergence de l’identité berbère comme réclamation ultime, avec reconnaissance de la langue tamazight comme langue nationale à côté de l’arabe et la réhabilitation historique du « fait berbère » dans tous les domaines, y compris celui qui concerne le domaine vestimentaire…

Depuis ces évènements qui ont considérablement changé la donne politique et culturelle en Algérie, la robe kabyle n’est plus une simple tenue d’apparat qui apparaît à quelques occasions. Elle est devenue une sorte d’emblème, tout comme le fait de hisser en toute circonstance le drapeau Amazigh.

Les jeunes filles n’ont plus de réticences à la porter, même en ville, pour des sorties (shopping, assister à un spectacle, visites à des amis…). Du coup, on peut parler d’un phénomène social, politique, culturel… mais il s’agit aussi -et surtout- d’un phénomène de mode. Et qui mode, dit engouement, offre, demande, production, concurrence, création/innovation, bref business et gros enjeux financiers en vue. Surtout, si de grandes marques occidentales prennent les chose en main en considérant que le produit est suffisamment rentable !

La robe kabyle a une histoire !

Jusqu’au début du XXème siècle, le péplum retenu par deux fibules appelé akhellal constitue la pièce principale du costume kabyle. Il est souvent confectionné à partir de laine non teintée. Cependant, il existe des modèles plus sophistiqués, pazrcourus de stries verticales polychromes. Le timelhaft est l’autre vêtement ancien connu. Cette pièce d’ét(offe rectangulaire en fine cotonnade blanche ou gaze serrée,  est retenue également aux épaules par de grandes fibules (tikhlatin).

Toutefois, l’ancienne tagendourth, première tunique en laine cousue sur les côtés qui s’enfile sous le péplum à fibules, s’introduit dans la région et révèle l’influence citadine de l’ancienne gandoura ( tenue traditionnelle qui se porte dans tout le Maghreb et en Orient, caractérisée par une longue et large tunique sans manches et sans capuchon). Au début du XX ème siècle, les tissus manufacturés poussent les villageoises à renoncer progressivement au tissage de l’ akhellal. La tagendourth devient alors l’élément principal du costume féminin.

Puis, la robe kabyle s’agrémente d’une quantité importante de passements aux couleurs vives qui dessinent des motifs compliqués en guise de véritables broderies.

 Caractéristiques de la robe kabyle

Ce qui caractérise d’abord la robe kabyle des autres robes algériennes, c’est sa coupe simple. Faite dans des cotonnades imprimées de motifs fleuris polychromes. La fouta aide à la maintenir en place autour des hanches et des jambes. La fouta est encore régulièrement portée dans de nombreuses régions du Maghreb notamment en Tunisie, en Kabylie et dans le Rif marocain. Elle consiste en une pièce d’étoffe, souvent en tissu synthétique, nouée par-dessus la robe de circonstance. En Kabylie, certaines fouta sont particulièrement ornementées, entièrement tissées de soie pour être portées comme habit de fête ; elles sont aux rayures jaunes, rouges et noires.

Elle possède un empiècement rectangulaire (lebtân), ses manches longues sont terminées soit par un poignet, soit par plusieurs galons plats de couleur. Elle se caractérise par des couleurs vives et des lignes simples. Elle est garnie au niveau de la poitrine de motifs brodés en zigzag et de bouclettes (dentelles kabyles) de plusieurs couleurs. En outre, la robe des Ouadhias se caractérise, elle, par une utilisation de beaucoup de dentelles de couleurs et la forme du corset est ronde.

Une autre robe de dessus, sans manches, appelée taksiwt, possède dans le dos un empiècement qui descend jusqu’à la taille. La robe de fête est garnie plus abondamment, ses galons sont de couleurs assorties ou contrastées. De nos jours, la robe est devenue plus légère, ses broderies de plus en plus fines. Elle fait désormais partie du trousseau de la mariée d’autres régions.

Vêtements et mode berbères du désert

Les Mozabites

Les Mozabites qui tirent leur nom de la vallée du M’zab où ils se sont installés venant du nord de l’Ouest algérien (Tiaret) sont appelé en berbère Ayt Aɣlan ; en arabe algérien : Béni M’zab. Il s’agit d’un groupe ethnique berbère vivant principalement dans la région du M’zab ; mais on les trouve un peu partout -surtout en tant que commerçants – dans toutes les grandes villes algériennes.

Les Mozabites appartiennent surtout à la grande confédération des Iznaten (Zénètes). Ils appartiennent à un schisme musulman et suent donc le rite Ibadite et parlent le mozabite qui, comme le kabyle ou le chaoui est un idiome berbère. Mais la majorité des hommes, comme dans la plupart des régions berbérophones sont bilingues , parlant également l’arabe dialectal algérien.

La région du M’zab est une Pentapole avec cinq grandesq cités qui sont : Ghardaïa (capitale régionale), Béni Isguen, Mélika, Bounoura et El Atteuf. Deux autres sont un peu plus excentriques : Berriane et El Guerrera. Malgré leur situation de minorité à la fois religieuse et linguistique, les Mozabites participent pleinement à la vie politique et sociale algérienne et occupent des postes influents dans l’appareil d’Etat.

 Vêtements et mode mozabites

La ville de Ghardaïa ainsi que celles qui l’entourent constituant la Pentapole du M’zab révèle un véritable patrimoine vestimentaire diversifié, en dépit du rigorisme ibadite. L’Ibadisme, schisme de l’Islam comme nous l’avons évoqué plus haut est une tendance fondée moins de cinquante ans après la mort du prophète et déclarée hérétique, puis chassée par les autres courants musulmans. Selon les ibadites, le Commandeurs des Croyants ne doit pas nécessairement être de la lignée du prophète, ni d’une certaine ethnie ou couleur. On retiendra surtout, pour notre sujet, le côté réputé extrêmement rigoriste de l’ibadisme et donc ses répercussions sur la vie sociale et forcément sur les règles vestimentaires qu’ils faut adopter et respecter en toutes circonstance ainsi que les formes que doivent avoir ces habits

Le costume mozabite se distingue surtout par sa nature métissée, à la fois citadine et rurale. Les femmes portent des vêtements en coton brillant, généralement tissées de rayures serpentines, et un foulard en soie couvre la tête. Le vêtement le plus ancien est la melhafa (timelhafa), similaire au l’hâf auréssien et à l’akhllal kabyle. L’hiver, le timelhafa était en lainage et l’été en cotonnade. Aujourd’hui, cet habit est rarement porté.

Les hommes portent souvent une tunique blanche et coiffés d’une calotte également blanche et les femmes un haïk blanc. Les femmes de Ghardaïa portent le haïk de la même manière que celles de Tlemcen ou de Blida. Les hommes portent un burnous en laine drapé sur une calotte en laine et un chapeau de paille à larges bords.

Au début du XX ème siècle, les bijoux qui dominent la coiffure nuptiale appelée kambousa ou takenboust, s’apparentent aux modèles des régions voisines, mais leur taille plus mesurée et l’éclat de l’or finement ouvragé leur confère une touche citadine. Le reste du costume nuptial comprend la chemise à manche de tulle et le péplum blanc, complétés par un ample fichu coloré (aabroua) et le ksa, un voile de laine blanc ou rouge, avec des fibules ajourées, les broches ou bzaïm arrondies aux cabochons de verre colorés, la ceinture de style constantinois et les innombrables colliers appelés cherka. La poitrine est ornée d’une parure pectorale, accompagnée de trois ou quatre paires de grandes boucles d’oreilles.

Au quotidien, le costume accueille bijoux en or et en argent. Les chaussures traditionnelles sont en cuir rouge. La chemise et la gandoura enfilées sous le péplum, durant la saison froide utilisent des étoffes aux tons clairs, neutres, tels que le blanc ou le rose.

La coutume mozabite est cependant intransigeante sur la couleur du voile. Le khemri, doit être noir. C’est un châle rectangulaire de laine qui couvrait la tête et les épaules, agrémenté d’une ou plusieurs bandes de broderies. Il y a deux sortes de khemri : l’un mkhabbel (embrouillé), et l’autre en-nacriya, qui possède une bande de décoration supplémentaire.

Le ksa, quant à lui, est en étoffe rouge, parcouru de rayures noires ou blanches. Le haouli, tenue de sortie est toujours de couleur blanche. Similaire au haïk des villes septemtrionnales, il confirme ainsi le rattachement du costume mozabite à la famille des costumes citadins algériens. D’ailleurs, à l’instar de certaines citadines, les habitantes des cités du M’zab ramènent le haouli  sur leur visage de façon à ne dévoiler qu’un seul œil, ce que l’on appelle en arabe dialectal Bou’ouina. De nos jours, la femme mozabite revêt la robe appelée blouza (en coton ou tergal), de rayonne fantaisie ou bien de voile ou de tulle de nylon.

On assiste incontestablement à une raréfaction des turbans, les costumes de l’Atlas saharien continuent à privilégier la coiffure et les bijoux de tête par rapport aux vêtements. Cette particularité se retrouve dans les costumes féminins du M’zab. La position stratégique de Ghardaïa, capitale régionale du M’zab qui vit des échanges commerciaux entre les métropoles du Nord et les Oasis du Sud, explique sans doute cette hybridité. Ainsi, l’étroit chignon, élevé en hauteur, qui réunit une partie des cheveux de la mariée retient plusieurs fibules en or triangulaires et circulaires, ainsi que trois épingles, khellelat, sans oublier les cauris porte-bonheur.

Des foulards et un bandeau ou ‘akri de soie rouge qui soutiennent une jugulaire et une paire de temporaux parachèvent cette coiffure. Chaque pendant de tempe ou tekfina arbore plusieurs chaînes à maillons aplatis, suspendues à une plaque triangulaire en or ajouré aux deux bords latéraux dentelés et courbés.

Le reste du costume nuptial paraît moins original : la chemise à manches de tulle et le péplum blancs sont complétés lors du troisième jour des noces par un ample fichu coloré ou ‘abrouq qui s’accroche aux fibules, puis, trois jours plus tard, par un voile de laine blanc, le fameux ksa déjà évoqué. C’est seulement à l’occasion du septième et dernier jour de la célébration du mariage que ce costume devient plus riche. Il est agrémenté d’un ksa rouge, une coiffure nouvelle avec trois tresses prolongées par des glands argentés et quantité de joyaux.

Les fibules ajourées du type tisegnest épinglées sur le péplum à hauteur d’épaule, les broches ou bzaïm arrondies aux cabochons de verre coloré, les boucles de ceinture de style constantinois, les innombrables colliers qui comportent notamment quelques ‘asreyin chargés de sequins et de pièce en or représentant des mains stylisées et des croissants de lune, ainsi que les souar ou tisegdrin , bracelets aux motifs redondants, tout cela diffuse une lumière éclatante qui valorise la couleur du ksa. A côté des fibules et du collier, le buste est orné d’un parure pectorale qui réunit des breloques en forme de main, des fragments de corail et plusieurs boîtes à amulettes prophylactiques carrées, cylindriques ou triangulaires. Enfin, trois ou quatre paires de grandes boucles achèvent de donner à la parure un aspect opulent.

Autres vêtements traditionnels du Sahara

  • Les Ouled Naïl

La diversité des costumes féminins du sud étonne au regard de la précarité des conditions de vie qui dominent dans les régions désertiques. A la lisière du versant sud-ouest du massif de l’Aurès, les tribus sédentaires et nomades qui peuplent les Hauts Plateaux et l’Atlas saharien perpétuent des traditions vestimentaires aux origines antiques. Parmi les costumes les plus représentatifs, il y a ceux des monts des Ouled Naïl et du Djebel Amour adoptés par les villes de Biskra et de  Bousaada dès le XIX ème siècle.

Apparentés aux costumes auréssiens, le péplum à fibules se trouvent au centre des différentes pièces, accordant un rôle important à la parure, surtout les bijoux de tête. La melehfa ou lhâf des femmes des Ouled Naïl se drape autour du corps de la même manière que pour le lhaf des Aurès ; par l’intermédiaire d’une paire de fibules en argent, ajourées et cernées de dentelures. La fibule, appelée bzima, ketfiya ou khellala selon les localités, à la forme d’un triangle plat ou légèrement renflé sur les côtés.

Sa base soutient l’ardillon, alors que le sommet s’oriente vers le sol. Elle peut être supplantée par un modèle plus archaïque qui consiste en un anneau métallique épais, aux extrémités saillantes, pourvu d’un ardillon acéré. Une chaîne chargée de porte-talismans, appelés hrouz ou ktoub, joint les deux fibules. Sur les épaules, la mante de fin lainage ou de cotonnade se superpose au péplum et exploite les ardillons de ses fibules pour rester en place. Parfois, une broche circulaire la maintient sur le haut de la poitrine. Cette habitude s’applique davantage à la chemassa ou semmacha mdawra illuminée d’une pièce de monnaie ou d’un discret miroir arrondi. Les femmes des Ouled Naïl, plus coquettes, préfèrent accrocher leur fibule arrondie sur le bord supérieur du péplum en guise de bijou ornemental. Elles choisissent sinon de destiner deux broches, serties de verres colorés et entièrement bordés de grenailles ou de petits disques perforés à la fonction de temporaux, ou encore d’en agrafer trois exemplaires sur la devanture de leur turban, au- dessus du front.

Le mdewwar peut aussi effleurer le menton lorsqu’il est épinglé sur les bords du voile blanc de la tête surmonté par un turban. Il le referme ainsi autour du visage. Cependant, à cause de l’étroitesse de ce voile qui parvient difficilement à contourner la coiffure volumineuse des femmes Ouled Naïl, deux petites fibules liées par une double chaîne se substituent souvent à la broche ronde. Cette solution permet de laisser le voile entrouvert afin de laisser paraître les énormes tresses, rembourrées de brins de laine, spécifiques aux coiffures de la région. De même, les pendants de tempe de type chenag, la jugulaire ou qtina avec ses chaînes mentonnières à anneaux aplatis et les colliers de différentes longueurs, notamment l’imposant plastron de rangs de sequins appelés chentouf, apparaissent au grand jour. Enfin, les khros, larges anneaux d’oreilles portés en nombre, profitent également de cette disposition du voile pour déployer leurs demi-sphères filigranées ou ajourées, d’autant que les oreilles sont complètement masquées par les cheveux tréssés.

Des mcharef à dents de scie de style auréssien les remplacent parfois. En revanche, la visibilité des joyaux affichés sur la façade du haut turban qui domine la coiffure des Ouled Naïl ne dépend pas de l’agencement du voile. Outre les trois mdewwar , les femmes se parent fréquemment d’un diadème, ‘assaba ou jbîn, formé d’une ou deux rangées de plaques à charnières. Les habitantes du Djebel Amour l’appellent mchebbek et plantent au sommet de sa plaque centrale une, voire plusieurs plumes d’autruche.

  • Les Touaregs

Les femmes de l’Atlas saharien choisissent leurs bijoux avec autant de minutie que les textiles attribués à chaque pièce de costume. Pour obtenir un ensemble vestimentaire harmonieux, , la couleur du pan d’étoffe posé sur les épaules en guise de mante doit trancher avec la teinte claire du voile, mais elle doit en même temps se différencier du tissu du péplum et de celui des manches rapportées de la chemise.

Les autres provinces sahariennes ont été annexées plus tardivement par l’administration coloniale ; vers la première décennie du XX ème siècle. Les costumes vernaculaires des villes et des oasis parviennent ainsi à se préserver des influences venues du Nord. Le costume le mieux préservé de toute forme d’acculturation est sans nul doute celui des Touaregs du Hoggar et du Tassili. Il a gardé toute son originalité.

Contrairement aux costumes des abords septentrionaux du Sahara, le costume Targui ne semble pas avoir assimilé le principe du péplum de type dorien. Ceci expliquerait pourquoi la fibule, tellement chère aux Algériennes des autres provinces, reste absente de la parure, pourtant complète et variée de la femme Targuia. Ces longues tuniques en voile, évasées vers le bas, sont en effet cousues sur les côtés. L’ensemble du costume garde cependant l’allure d’un majestueux drapé grâce au voile enveloppant, porté ouvert ou rabattu sur une épaule. Un pendentif en argent, appelé asarou n’seoul à cause de sa forme de clé, aide à le stabiliser. Ce bijou qui distingue les femmes de la noblesse est rehaussé de hachures et de dessins géométriques incisés. La jeune fille targuia accède simultanément au port du voile, akerhei et des bijoux chargés

 Un pendentif en argent, appelé asarou n’seoul à cause de sa forme de clé, aide à le stabiliser. Ce bijou qui distingue les femmes de la noblesse est rehaussé de hachures et de dessins géométriques incisés.

 

M.B, ,juin 2023

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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